mercredi 22 décembre 2010

Les Lauréats de l’Atopic Festival 2010

Lauréat du Prix du Jury : The Trashmaster du réalisateur français Mathieu Weschler. (France/2010)

Ce film de 90 minutes a été réalisé à partir du moteur de GTA 4, et a nécessité deux ans de travail. Il met en scène le héros de GTA 4, Niko Bellic, dans le rôle d’un éboueur d’un genre un peu particulier.


Lauréat du Prix de l’Expérimentation : Ctrl, Alt, Del, de la britannique Trace Sanderson. (UK/2010)

Trace Sanderson est plus connue sur la scène Machinima sous le nom de Lainy Voom. Crtl, Alt, Del a été réalisé à partir de Second Life.


Lauréat du Prix du Public : Clear Skies 2 du réalisateur britannique Ian Chisholm (UK/2009).

Deuxième opus du film Clear Skies. Le capitaine John Rourke et son équipage sont empêtrés dans un complot visant à détruire une station spatiale.

Ce moyen métrage a été réalisé avec le moteur de Half Life 2 et de EvE Online.


samedi 4 décembre 2010

La pauvreté des moyens. Un texte de Chris Marker, 2002.


La pauvreté des moyens

Texte de Chris Marker, 2002
La pauvreté des moyens qui est (au moins dans mon cas) plus souvent question de circonstances que de choix, ne m’a jamais paru devoir fonder une esthétique, et les histoires de Dogme me sortent par les yeux. C’est plutôt à titre d’encouragement pour jeunes cinéastes démunis que je mentionne ces quelques détails techniques : le matériel de la Jetée a été créé avec un appareil Pentax 24/36, et le seul passage tourné "cinéma", celui qui aboutit au battement d’yeux, avec une caméra 35 mm Arriflex empruntée pour une heure. Sans soleil a été tourné intégralement avec une caméra Beaulieu 16 mm, muette (il n’y a pas un plan synchrone dans tout le film) avec bobines de 30 mètres - 2’ 44’’ d’autonomie / - et un petit magnétophone à cassettes - même pas un Walkman, qui n’existait pas encore... Le seul élément sophistiqué - pour l’époque - était le synthétiseur d’image Spectre, également emprunté pour quelques jours. Ceci pour dire que les outils de base de ces deux films étaient littéralement à la portée de n’importe qui. Je n’en tire pas une sotte gloriole, seulement la conviction qu’aujourd’hui, avec en plus l’ordinateur et les petites caméras DV, hommage involontaire à Dziga Vertov, un cinéaste débutant n’a aucune raison de suspendre son destin à l’imprévisibilité des producteurs ou l’arthritisme des télévisions, et qu’en suivant ses idées, ou ses passions, il verra peut-être un jour ses bricolages élevés au rang de DVD par des gens sérieux. J’écris ceci en octobre 2002, alors que se dessine une nouvelle nouvelle vague dont mes jeunes camarades de Kourtrajmé sont des exemples jubilatoires, et qui a peut-être déjà son A bout de souffle avec Demi-Tarif d’Isild Le Besco.
Texte paru dans le livret du DVD La Jetée – Sans Soleil, 2003
http://www.derives.tv/spip.php?article378




jeudi 2 décembre 2010

La Confiance NOMADIQUE du TRUC d'Albertine Meunier

Depuis 2007, le collectif français Microtruc imagine des dispositifs permettant de créer une continuité entre l’espace virtuel et l’espace physique. Pour le Jeu de Paume, il imagine "Les Trucs", des objets mis en circulation, qui passent de main en main selon un protocole prédéfini : remise du Truc à un autre "passeur" dans les 24 heures, envoi d'un mail pour expliquer le contexte de l'échange... Ils sont géolocalisés sur une carte en ligne, ce qui permet de visualiser leurs trajets en temps réel. Sur le site Internet du Jeu de Paume, les internautes pourront suivre, à tout instant, les mouvements de chaque "truc" et, également, lire les récits restitués par les "passeurs".

Projet présenté du 18 novembre 2010 au 9 mars 2011, sur www.jeudepaume.org > espace virtuel et en salle de documentation du Jeu de Paume.

Commissaires : le collectif Microtruc et Marta Ponsa

Création sur Internet produite avec le soutien du Jeu de Paume et en partenariat média avec OWNI


Messages envoyés par les «passeurs»

Samedi 27 novembre, 13h, Café de l'industrie, Paris

Ce TRUC me fait tourner la tête, me donne des vertiges.

Albertine m’a appelé jeudi et elle m’a dit «J’ai un TRUC pour toi !»
Je l’ai reçu samedi 27 novembre à 13h au Café de L’industrie à Paris.

Nous avons eu une longue discussion sur les instruments d’optique, sur la dichotomie entre l’artiste ingénieur, et le chercheur artiste et sur notre possibilité de « voir au-delà »…

Mais j’attendais impatiente de voir le TRUC.
J’éprouvais la même sensation de quand j’étais petite le jour de la Befana, lorsque le 6 janvier je découvrait une forme noire et étrange accrochée au coin de la cheminée, et je m’apprêtais à y introduire ma main pour savoir si j’avais été gentille.

L’EPIFANIE du TRUC.
Albertine a sorti le TRUC, d’une sorte de chaussette noire qui cachait toute son importance.
Albertine Meunier me l’a «confié».

C’est là que j’ai compris que le TRUC est un objet non fonctionnel, symbolique, magique…
Il y a dans ce TRUC la possibilité de faire persister la confiance ?
Ce quoi la confiance, je me demande ?
Je lis que c’est ce « Sentiment de sécurité vis-à-vis de quelqu’un ou quelque chose. »
Une sorte d’acte de foi.

Le TRUC est un jeu.
Un voyage dehors.
Le TRUC est une promesse.

Je me sens en sécurité.
Albertine m’a dit que la confiance c’est « has been !»
Je ne suis pas certaine…

Cette confiance du TRUC se propage s’étire, se déploie, et s’étend au-delà de nos attentes
Le TRUC vagabonde de mains en main, ici et ailleurs.

L’EXODE PERPETUEL du TRUC.
Je m’aperçois alors que le TRUC engendre une expérience de filiation avec la personne qui nous l’a transmis.
C’est un voyage immobile, cet objet non sédentaire est destiné à accomplir un déplacement perpétuel qui se compose comme une partition musicale.
Il s’agit d’une Géo-poétique de la confiance qui dessine sur cette carte un cadavre exquis.

Cette nuit, j’ai dormi avec le TRUC
Je ne l’ai pas quitté des yeux,
Cette envie qui me prend de ne le quitter à jamais
Il s’est installé chez moi sans faire de bruit
Il me tarde cette attente que j’ai de le transmettre demain

La Confiance NOMADIQUE du TRUC.

J’ai confié le TRUC ce matin
J’ai du y renoncer
À partir de maintenant je déclare mon TRUC libre de limites et de lignes de l’imaginaire
Je l’ai livré à son possible, à ses étendues nomades
Aux étoiles, au rêve, aux rivages de l’inconnu, au paradoxe du devenir
À son horizon, à cette topologie de l’être en confiance
Le TRUC est un archipel dynamique, il traverse nos exister, pour nous quitter aussi tôt
La confiance s’installe à sa place.
Je sens un fourmillement dans le dos
Le TRUC va-t-il se souvenir de moi ?

Je sens déjà la nostalgie du TRUC

Margherita

samedi 13 novembre 2010

Julien Levesque entre Troll et Popstar (nouvelle star) du web


Julien Levesque est un artiste qui joue de l’impertinence.
Aux allures d’un troll, il s’introduit de façon irrespectueuse et provocatrice dans les espaces communautaires et dans le web. Des cadavres exquis aux usurpations d’identité, plus proches d’actes de désobéissance formelle, ses interventions artistiques se déploient depuis 2005 dans le réseau et parfois jusqu’à proliférer dans l’espace urbain. Comme Italo Calvino, il joue les identités multiples et détourne les automatismes des pratiques et des outils du quotidien en le transformant en terrain de jeu.

Coquet et provocateur, Julien Levesque est un héritier de l’ironie de Marcel Duchamp, il explore le territoire d’Internet pour le déconstruire en rapsodie, en créant une œuvre faite de réutilisation, de patchworks, de bricolages et à l’allure amateur. Comme à vouloir mettre en œuvre une dynamique du hasard contrôlé prônée par Mallarmé, Julien Levesque réalise Street Views Patchworks et Cityscapes véritables hybridations visuelles entre la poésie furtive d’un Haiku et l’absurde spontanéité générée par le hasard des collages dadaïstes.


Une prédilection naturelle pour les surprises de l’imprévu, comme dans 3D towels ou l’artiste effleure par ellipse les caprices de l’impromptu. Dans Hollyweb, et Rate it! Julien Levesque se fait prophète d’une célébrité éphémère, glorifiée par un gout subtil pour le gossip, la rumeur et la farce, ou ces mythologies contemporaines, ces identités stéréotypées et foisonnées par les medias trouvent leur place. Le «15 minutes of fames» de Warhol est réactualisé dans ses actes de guérilla dans les réseaux sociaux rythmés par un poke et un like it !

Julien Levesque alors “Ne traine pas avec n’importe qui“ et fait du web son espace ludique.

Extravagant et picaresque, Julien Levesque ne cherche pas le regard condescendant du spectateur mais plutôt à le séduire tout en le déstabilisant, en perturbant son regard, en brouillant ses repères.


L’artiste revisite la Culture Jamming au gout du kitch dans Melancholic Paintings, par une esthétique rocambolesque dans Youtube moment, dans une temporalité du flux qui génère la mise en scène du flue dans Face à face, My Monsters, Google road movie.


L’artiste semble mettre en scène une véritable “Comédie des erreurs“, ou le web devient un terrain d’exploration de l’illusion comique, du détournement du média, de la mise en exergue du bug informatique au service d’une esthétique du banal, l’inutile, du geste éphémère.

Avec une allure peu conventionnelle, Julien Levesque nous montre dans Dossier la mise en scène narrative d’une sculpture interactive dans le web, une arabesque de l’hypertexte, qui se déroule avec ironie et jusqu’à l’épuisement du regardeur. Julien Levesque joue de l’ambigüité et de l’ambivalence et crée des caprices dans le réseau animé par la mise en abîme des calembours et des jeux de mots.




Mais si par tout hasard vous le croisez dans vos surfs sur le web ou dans vos promenades dans la rue il aura pour vous peut-être un message d’amour. Laissez-vous alors emporter par le hasard de cette déclaration publique ou contaminer par ce malin virus à la fois inoffensif et bénin.


Comment définir l’art de Julien Levesque … En un mot ? Un ovni : un objet volontairement non identifiable.

Margherita Balzerani, Curateur et critique d’art

mercredi 20 octobre 2010

lafiac.com is OPEN!!!!

CECI N'EST PAS LA FIAC !

Ceci n’est pas la Fiac, vous ne vous êtes pas trompé de lieu !
lafiac.com est un espace rhizomatique qui étend les frontières de la Foire Internationale d’Art Contemporain aux artistes qui utilisent le Web comme espace de création.
lafiac.com : lieu de présentation de 29 artistes internationaux et 29 oeuvres en ligne, accessibles par tous.
Une galerie en ligne à l’heure où un grand nombre de galeries internationales se regroupent en un même espace pour exposer et vendre.
Ici, ces oeuvres numériques abolissent les frontières, lafiac.com a une adresse mais pas de murs ni de droits d’entrée. La galerie est accessible par tous et à tout moment avec des oeuvres qui s’animent en présence de l’internaute.
lafiac.com rend visible un art généralement en marge des circuits de l’art contemporain qui se vend peu et dont l’absence de matérialité trouble nos habitudes.
Cet évènement, né d’une initiative spontanée et non lucrative, permet d’appréhender sous la forme d’un webring, la richesse de la création sur Internet en cette semaine consacrée aux «arts visuels du XXe et du XXIe siècle, de l’art moderne à la création émergente».

Les artistes et les oeuvres :
Annie Abrahams ~ interface?
Argote Ivan ~ Time is money
Alain Barthelemy ~ fragments
Florent di Bartolo ~ The Hole
Pauline Bastard ~ Bleu
Christophe Bruno ~ Human Browser
Marco Cadioli ~ Remap Berlin
Gregory Chatonsky ~ Circulation
Thomas Cheneseau ~ Facebook Towers
Caroline Delieutraz ~ Blue Meme
Constant Dullaart ~ Hamburger Bahnhof
Nicolas Frespech ~ PassWord
Valéry Grancher ~ Concettonazionale
Lucile Haute & Nicolas Sordello ~ Image Fantôme
Olga Kisseleva ~ Conquistadors
Alexandre Lard ~ Discussion avec Eliza
Tobias Leingruber ~ Does Lady Gaga have a penis
Julien Levesque ~ Street Views Patchwork
Nicolas Maigret & Nicolas Montgermont ~ Infinite Stream Loop
Miltos Manetas ~ Outside of the Internet there is no Glory
Albertine Meunier ~ My Google Search History
Mouchette ~ Grand Soir
Angelo Plessas ~ LonelyPolychrome
Rafael Rozendaal ~ into time
Antoine Schmitt ~ The Puppetpresident Office
Systaime ~ Freesurf
Mark Veyrat ~ The JOKE®

lafiac.com 2010 est une exposition d’oeuvres en ligne, accessible à partir du 20 octobre 2010 www.lafiac.com

Pour toutes informations ou questions supplémentaires vous pouvez nous contacter à l’adresse suivante : cecinestpaslafiac@lafiac.com

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lafiac.com
Curateurs & organisateurs
Margherita Balzerani, Florent di Bartolo, Julien Levesque

FLASHEZ MOI !!!!
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mercredi 2 juin 2010

Hommage à Louise Bourgeois. Le corps à épreuve de hystérie.

Pour rendre hommage à Louise Bourgeois, j'ai décidé de publier cet essai paru dans l'Evolution psychiatrique en 2008.

«Ce n’est pas une image que je cherche, explique-t-elle. Ce n’est pas une idée. C’est une émotion qu’on veut recréer, une émotion de désir, de don de destruction»1. Louise Bourgeois.

Agée de 96 ans, Louise Bourgeois est aujourd’hui l’une des artistes qui a le plus contribué à la libération du corps et du désir féminin. Première artiste à formuler l’idée de sculpture environnementale et à pratiquer la performance en restant prolifique. Mais, si l’œuvre de Louise Bourgeois est aujourd’hui autant célébrée et soutenue par la critique, sa démarche artistique se révèle tout de même à la fois précurseur et marginale dans l’histoire de l’Art. En refusant de s’associer à tout mouvement artistique, Louise Bourgeois a réussi à créer une œuvre très personnelle en retranscrivant dans ses créations son expérience de fille, mère et tout simplement de femme.

Le centre Georges-Pompidou lui consacre une exposition monographique qui est en programme

21 jusqu’au 2 juin 2008. Cette rétrospective présente de manière exhaustive l’évolution formelle, dès son enfance à Choisy-le-Roi jusqu’à son arrivée à New York. Organisée sous un parcours chronologique et par découpage en grandes périodes, l’exposition présente ses débuts en peinture, ses personnages totémiques jusqu’aux œuvres majeures comme Spider 1997, Precious liquids 1992 et Red Room (Child) 1994. Entre cabinets de curiosités et journal intime ses œuvres torturées, emmêlées, amputées, déroutées s’expriment dans l’espace.

« Tout mon travail est un autoportrait inconscient, il me permet d’exorciser mes démons. Dans mon art, je suis la meurtrière, dans mon monde, la violence est partout »2.

La réaction du spectateur face à ses œuvres n’est jamais passive, en oscillant avec une extrême aisance formelle entre figuratif et abstrait ses sculptures agissent comme par empathie sur le psychisme du spectateur. Ses doutes et sa fragilité psychique contribuent alors à donner à l’œuvre une valeur organique. C’est ainsi, que cette production artistique compulsive se révèle pour l’artiste comme une forme de thérapie, qui l’aide à transcender la peur. En dépit de l’enfermement chaque mois, Louise Bourgeois ouvre son atelier aux artistes, aux critiques et aux curieux pour discuter autour d’un thé le dimanche après-midi.

L’œuvre « Arch of hysteria », réalisée en 1993, représente un corps d’homme asexué et décapité. La tension du corps masculin s’exprime à la fois de façon radicale et sinueuse. Cette œuvre est une suite cohérente à l’installation « Destruction of the Father » réalisée par l’artiste en 1974 et à toute la réflexion construite par l’artiste autour de la destruction du père. Cette révolte débuta en 1940, quand en côtoyant les surréalistes exilés aux États-Unis, Louise Bourgeois avait critiqué fermement leur mythologie de la femme fatale, esclave hystérique de l’amour fou. Si, comme soulignait Freud, il existe chez les individus des désirs pulsionnels aussi bien masculins que féminins qui sont devenus inconscients par refoulement, sans doute alors le syndrome de l’hystérie souvent associé à la femme se retranscrit pour Louise Bourgeois dans un corps en bronze doré qui mis à l’épreuve par sa contraction et son étirement circulaire montre une forme double qui s’exprime entre équilibre et déséquilibre, vide et plein, homme et femme. Et si les surréalistes avaient vu dans l’hystérie l’extase de la jouissance et le prototype formel de la beauté « convulsive », Louise Bourgeois à travers cette œuvre redonne à l’hystérie son sens clinique et tragique3.

1 Louise Bourgeois au centre Pompidou. Hors Série. Beaux Arts éditions. Paris 2008.

2 Ibidem.

3 Jean Clair, Cinq notes sur l’oeuvre de Louise Bourgeois. Éditions l’échoppe, Paris 1999.

samedi 22 mai 2010

GOOGLE //// PAC MAN à toi de jouer!

Google fête les 30 de la création du jeu PACMan sur sa page d'accueil!!

jeudi 20 mai 2010

Philippe Perrin : «Shortcut to heaven.Straight to hell».

A' l'occasion de l'exposition rétrospective "Haut et Court" 1986 - 2010 consacrée à Philippe Perrin et actuellement en programmation à la Maison Européenne de la Photographie à Paris, je publie cet essai que j'avais écrit en 2009 autour de l'artiste.

Philippe Perrin
«Shortcut to heaven. Straight to hell»
un essai de
Margherita Balzerani

Philippe Perrin «Heaven», dans le cadre de la Nuit Blanche 2006, église de Saint-Eustache, Paris.
Photo : Marc Dommage. Courtoise Galerie Pièce Unique, 4, rue Jacques-Callot 75006 Paris, France.

«J’irai au Paradis. J’ai passé ma vie en enfer».
Philippe Perrin

Exposée pour la première fois dans Église de Saint-Eustache à Paris, Heaven est une instal
lation monumentale réalisée à l’occasion de la Nuit Blanche 2006.
En jouant avec l’iconographie traditionnellement associée à la passion du Christ, Philippe
Perrin retranscrit la violence de la mort dans un contexte contemporain.
Une imposante couronne de fil en métal barbelé qui subtilement enchaînée forme un cercle
qui enferme et ouvre à la fois le regard du spectateur.
Présentée théâtralement, sous une lumière zénithale et comme une relique, un objet de contem
plation hypnotique, la réalité se déploie, et se retrouve en suppléante du divin.
En refusant l’idolâtrie et le dogme inconditionnés, Philippe Perrin nous impose la froideur du
métal en nous amenant emphatiquement vers la vérité et la chaleur du sang. L’installation est la
représentation d’une brutalité murmurée et habitée par un silence où toute parole est bannie. La
finitude et la perfection propres à la catégorie formelle du cercle qui n’a pas un rapport exprimable
en nombres finis et qui réunis tous les points de l’infini, s’oppose alors à l’expression propre à la
violence de la guerre.
Ouverture et enfermement, unité et division, aliénation et sublimation, plein et vide, violence
et indulgence, fini et infini, lumière et obscurité, terrien et céleste, divin et païen, paradis et enfer.
Plus qu’un simple cercle, une ellipse, une éclipse.
Heaven est une installation qui s’inscrit dans la cohérence de la recherche formelle de l'artiste.
Avec une oeuvre polymorphe et très personnelle, Philippe Perrin travaille depuis plus de 20 ans
une esthétique exprimant le paroxysme de la violence. Dans ses anciens travaux, ses interventions
de «guérilla urbaine» se traduisaient avec des actes-performances d’affichage sauvage effectués
dans la ville de Nice en 1986. Depuis, Philippe Perrin s’exprime à travers une reproduction sérielle
et obsessionnelle de shoot-cut visuels, de jeux d’échelle où l’oeuvre semble exploiter le brillant
effet de l’oxymore. En alternant dans sa création des violents paradis, à des bestiales tendresses,
l’artiste permet au spectateur des s’extasier dans la destruction.

Caravaggio, Judith et Holopherne - 1599
Huile sur toile - 145 x 195 cm
Palais Barberini - Rome

Philippe Perrin en sage hériter de Caravage avec des oeuvres comme Judith et Holopherne
et d’Andy Warhol avec des oeuvres comme Car Crash, transcrit dans sa sérielle banalisation de
la violence, le dionysiaque de l’art tel que l’entendait Friedrich Nietzsche, et une esthétique du
simulacre qui s’avère autant redevable à la pensée de Guy Debord.

Andy Warhol, Pink car crash, 1963.

Si l’art le plus haut, le plus religieux, est aussi l’art le plus tragique, depuis toujours l'
oeuvre de Philippe Perrin est traversée par l’expression d’un eternel retour, car l’artiste y fait surgir la
beauté de l’horreur, l’horreur de la beauté. L’humanité.

«L’artiste tragique, que nous communique-t-il de lui-même ? N’affirme-t-il pas précisé
ment, l’absence de crainte devant ce qui est terrible et incertain ? La bravoure et la liberté
du sentiment devant un ennemi puissant, devant un revers sublime, devant un problème
qui éveille l’épouvante, —c’est cet état victorieux que l’artiste tragique choisit et glorifie.
Devant le tragique, ce qu’il y a de guerrier dans notre âme célèbre ses saturnales ; l’homme
héroïque exalte, dans la tragédie, le destin de celui qui est habitué à la souffrance, de celui
qui cherche la souffrance,—et c’est à lui seul que le poète tragique offre la coupe de cette
cruauté la plus douce».1

1 Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des Idoles, ou comment philosopher à coup de marteau, Éditions Folio Essais.

Pour plus d'informations sur l'exposition actuellement en programmation à la MEP:
Philippe Perrin "Haut et Court" 1986 - 2010
Maison Européenne de la Photographie
du 14 avril au 13 juin 2010